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Page:Delâtre - L’Égypte en 1858.djvu/23

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LES CRITIQUES DE L’HIMALAYA.


Depuis un an des millions de lecteurs suivent, jour par jour et pas à pas, dans les feuilles politiques, le récit de cette insurrection de l’Inde, si inattendue, si sanguinaire, et qui a déjà provoqué de la part des vainqueurs irrités de si sanglantes représailles. Mais combien de gens oublient (sans parler de ceux qui l’ignorent) que, dans cet espace même compris entre les pics neigeux de l’Himalaya, le Syndh, le Gange, le Brahmapoutra et les monts Ghattes, sur ce théâtre d’une révolte exclusivement militaire et surtout musulmane, près de ces villes de Delhi, de Bénarès, d’Agra, d’Oude, d’Hayderabad, de Lucknow, qui ont failli devenir un monceau de ruines, florissait jadis une race très-intelligente, assez active et, quoiqu’on en ait dit, primitivement vertueuse, passionnée pour les arts, les sciences et les lettres, pure par ses mœurs, grande par ses lois, intéressante par sa religion, parvenue à la civilisation la plus raffinée, bien digne, en un mot, d’être, sinon la mère, du moins la sœur aînée de toutes les races européennes. Il y a cent ans à peine, personne en Occident ne s’en fût douté ; avant cent ans, ces idées, qui passaient naguère pour des paradoxes, ne seront plus que des lieux communs à l’usage des rhéteurs vulgaires. De nos jours, l’humanité vieillie commence à se tourner de nouveau vers son berceau antique, et, malgré les glaces d’une laborieuse expérience, elle cherche avec complaisance la route marquée par ses premiers pas, et elle aime à répéter les mots naïfs que son