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phylactiques que l’expérience a découverts, et dont l’application est sûre et facile.

J’ai oublié de dire comment se recrutent les écoles du Caire. Le moyen qu’on emploie est assez semblable à la levée des matelots qui se pratique en Angleterre et qu’on appelle the press. Les troupes cernent un village pendant la nuit ; les officiers vont de maison en maison et s’emparent des plus jolis garçons qu’ils trouvent, après quoi on les envoie au Caire pour recevoir l’instruction. Sans cet expédient barbare, mais efficace, les écoles demeureraient vides. Les parents redoutent pour leurs enfants la condition d’étudiant encore plus que celle de soldat. Dans l’origine, Méhémet-Aly ne voulant pas user de violence, faisait entretenir à ses frais les familles des jeunes garçons admis dans les écoles, mais on ne tarda pas à reconnaître le danger d’un pareil système et on s’empressa d’y renoncer. Le père et la mère, au lieu d’encourager leur fils au travail, l’en détournaient autant qu’ils pouvaient, en alléguant que toute cette prétendue instruction était un piège des infidèles et du diable.

Les écoles où on vient de vous conduire, ami lecteur, sont organisées à l’européenne et n’ont point du tout le caractère oriental. Si l’on veut voir une école vraiment nationale arabe, il faut aller à la mosquée d’El-Azhar. Le consul de France, M. Delaporte, se procura un firman et nous nous rendîmes ensemble dans ce sanctuaire de la religion et de la science musulmane. On nous fit déposer nos souliers sur le seuil et nous les remplaçâmes par des babouches que nous avions achetées à cet effet. Le janissaire du consulat nous précédait pour nous frayer un passage et nous défendre en cas de besoin. La mosquée d’El-Azhar est une grande cour quadrangulaire dont les quatre murs sont soutenus par des colonnes élégantes. Le sol est tapissé de nattes où grouillent, rampent, gisent étendus des centaines de jeunes gens et des vieillards écrivant ou lisant, causant ou déclamant sur tous les tons et, tous à la fois, avec des