lui laisser comprendre qu’il était du même avis que lui :
— Il faut saigner mademoiselle, du pied et à l’instant même. C’était votre avis, monsieur Tilorier, et c’est aussi le mien. Allons, ne perdez pas de temps.
Ernest était immobile, comme s’il eût été frappé de la foudre. Pour M. Tilorier, qui jusqu’à ce jour avait saigné mademoiselle de Liron, il s’excusa pour cette fois.
— Obligez-moi, dit-il à son confrère, en vous chargeant de cette opération ; j’ai marché si vite pour aller vous chercher à Clermont, que ma main ne serait pas sûre ; je n’ose m’y fier.
Et quoique ce motif qu’il alléguait eût bien quelque fondement, cependant il est certain que la véritable cause était son inquiétude et son émotion.
Pendant que tout se préparait pour cette opération, Ernest, par discrétion, alla s’asseoir sur la chaise longue à l’autre extrémité de la chambre, tandis que la fidèle Mariette prit le bassin en détournant la tête pour ne pas voir couler le sang de sa maîtresse. Comme on l’a déjà dit, mademoiselle de Liron était assez grasse, en sorte que les précautions que fut obligé de prendre l’opérateur avant de plonger son instrument dans la veine, tinrent pendant quelques secondes tous les assistants dans une immobilité et un silence absolus. Ce fut le bruit léger de la respiration plus libre des trois personnes placées autour de la malade, qui avertit Ernest que la veine était ouverte. Il ne put s’empêcher de se rapprocher du lit ; et comme il s’avançait, sa cousine s’aperçut qu’il était pâle. Alors, étendant sa main pour qu’il lui donnât la sienne, elle lui fit un de ces sourires qui, pour celui à qui ils s’adressent, résument une existence tout entière. Il fut obligé de faire un effort sur lui-même pour ne laisser échapper aucun signe de ce que lui faisait éprouver la vue de sa cousine pâle elle-même, souffrante, entourée de linges ensanglantés et gisant sur ce lit... ce lit !... Ah ! aucunes paroles ne sauraient exprimer ce qu’Ernest ressentit lorsque le passé mêlé au présent vint déchirer son cœur. Il sentit le besoin de se sauver de là par le mouvement ; et prenant le prétexte de se rendre utile dans cette occasion, il changeait