maintien, une politesse exquise dans les manières, et un assez grand nombre de très-belles femmes.
À moins d’être un étourdi au premier chef, ce qui n’était rien moins que le cas de M. de Beauvoir, il est difficile de ne pas se conformer aux habitudes des gens au milieu desquels on se trouve. C’est un des plus beaux privilèges de l’homme que de pouvoir se modifier pour ne pas blesser les autres, sans rien perdre cependant de sa dignité ; céder avec urbanité et sans bassesse est le grand secret de la vie sociale. L’heureuse nature du jeune de Beauvoir lui rendit ce petit effort facile, et se guidant d’ailleurs sur l’exemple que lui donnait l’abbé Segni, il modéra son pas de manière à ce qu’ils purent traverser la ville sans être remarqués.
Ils ne tardèrent pas d’arriver dans la ville basse, portion de Genève habitée particulièrement par les artisans de toute espèce. Avec l’assurance d’un homme qui avait reçu des renseignements certains sur les lieux, l’abbé jeta les yeux de bas en haut sur une maison dans laquelle il entra en engageant son compagnon à le suivre. Après avoir monté deux étages, Segni heurta à une porte qui s’ouvrit, et où ils furent reçus par un apprenti joaillier. Sur ces entrefaites, le maître s’avança avec empressement, et dit à l’abbé : « C’est sans doute à M. Taillac que j’ai l’honneur de parler ? » Et comme Segni allait prendre la parole : « Je vous attendais avec impatience, continua le joaillier, ainsi que M. Chauvin, votre ami. » En disant ces mots, il fit entrer, presque forcément, les deux voyageurs dans son laboratoire, où le jeune de Beauvoir, devenu stupide de ce qu’il avait entendu, se laissa pousser sur un siége où il demeura assez longtemps comme s’il eût été ivre. Lorsqu’il sortit de cet état, il vit l’abbé Segni occupé à considérer une parure composée d’un magnifique collier et de deux pendants d’oreilles en perles énormes. « M. Gauthier, disait-il à l’ouvrier, c’est très-bien ; et autant que je puis m’y connaître, vous avez rempli toutes les conditions qui vous étaient imposées pour la fourniture et l’achèvement de ces bijoux. Il ne vous reste plus, pour parfaire votre commission et recevoir le prix qui vous est dû, qu’à transporter le tout à Rome, selon qu’il a été convenu. — En