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Sitôt que j’aurai rempli à Rome l’objet de ma commission, ajouta-t-il avec énergie, je ne balance plus et réaliserai le projet que j’ai formé déjà tant de fois. — Lequel ? — J’entre dans un cloître. »

Le ton de sincérité de ces paroles toucha vivement M. de Beauvoir. Entraîné d’abord par l’effet que produisit sur lui cet aveu involontaire des sentiments secrets de Segni, il fut sur le point de s’exprimer lui-même à cœur ouvert sur ce qui s’était passé. Mais par discrétion et dans la crainte d’avoir l’air de provoquer des explications et des aveux que l’abbé n’était peut-être pas en droit de faire, il se contenta de lui serrer la main affectueusement. Segni reçut cette marque d’intérêt avec reconnaissance, sans quitter toutefois l’attitude que son accablement lui avait fait prendre.

Pendant près d’un quart d’heure, de Beauvoir se promena à pas lents dans la chambre, tandis que l’abbé, qui était resté immobile dans son fauteuil, se levant tout à coup, dit en tirant vivement le cordon de la sonnette. « Ah ! il est encore jour, il faut en profiter. Demain ce serait impossible ! » À peine eut-il laissé échapper ces paroles qu’il se mit lui-même à marcher de long en large, sans s’apercevoir que son compagnon s’était écarté pour lui laisser la place libre.

Les pas d’un valet se firent entendre. L’abbé, prévenant son entrée, lui donna un ordre en dehors et rentra ; puis on ne tarda pas d’apporter la collation du soir, à laquelle les voyageurs firent honneur ; et comme elle se terminait, le domestique de l’auberge rentra et remit à l’abbé Segni un petit paquet ficelé.

Le jeune de Beauvoir, peu fait encore à la vie de voyage, sentit le premier le besoin impérieux du repos, et alla se mettre au lit. Quant à l’abbé, impatient de s’assurer si la commission qu’il avait donnée d’acheter les Noces du loup et de la louve à Babylone, avait été fidèlement remplie, il ouvrit le paquet, qu’il trouva plus épais qu’il ne s’y était attendu. En effet, outre les premières pages qui contenaient la description scandaleuse des noces burlesques, il trouva à la suite une trentaine de feuillets dont le premier présentait en titre : La Vie de dona Olimpia. C’était encore une satire