bassadeurs, quand ils ne se dédommagent pas en bafouant le cardinal neveu, ils se plaignent du pape, dont ils sollicitent vainement des audiences, ne pouvant traiter les affaires qu’avec dona Olimpia. Mais c’est le peuple qu’il faut entendre et voir, quand il entre en fureur ! Le palais Pamphile, que nous habitons tous, a failli être attaqué par la populace affamée, qui s’est écriée en escaladant le monument que le pape fait élever au milieu de la place Navone : « Ce ne sont pas des fontaines et des obélisques que nous demandons, mais du pain ! du pain ! du pain..., et les pierres ont volé dans nos vitres ; et le palais eût peut-être été envahi si dona Olimpia ne se fût hâtée de faire distribuer des vivres et de l’argent dans la place. — En vérité ? dit la princesse de Rossano d’un air presque satisfait, qu’elle eut de la peine à dissimuler. — Cette émeute nous inquiète beaucoup, madame, poursuivit Ludovisi, parce qu’elle peut se renouveler. Le palais est rempli d’or, et on ne l’ignore pas. Dernièrement, le pape a éprouvé une indisposition assez grave, et dona Olimpia a fait transporter bien vite tous les trésors du Vatican chez elle. Les carrosses qui les portaient n’ont pas cessé de rouler toute une nuit. Mais ce qui rend le peuple si furieux contre notre belle-mère, c’est la promesse qu’elle a fait obtenir aux fournisseurs de l’armée espagnole, d’acheter des grains dans tous les états du pape, ce qui met la disette à Rome. Je n’ose répéter ce que les plus furieux d’entre la population criaient sous nos fenêtres... Ils l’accusaient d’avoir reçu cinquante mille écus romains (300,000 fr.) des marchands espagnols ! — Ainsi, demanda la princesse du ton le plus grave, dona Olimpia est... profondément haïe ? — Bien plus sans doute qu’elle ne le mérite, répondit le prince Ludovisi, en pensant qu’il s’agissait de sa belle-mère.... Mais quelle vie, ajouta-t-il, elle nous fait mener dans ce palais Pamphile ! Il se passe peu de jours sans que ma femme et ma belle-sœur ne soient dans des transes mortelles au moindre bruit qui se fait entendre dans la place Navone ; et cependant lorsque ces deux jeunes femmes se trouvent en présence de leur mère, elles sont forcées de montrer un front tranquille. C’est un supplice continuel...
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