Page:Delécluze - Romans, contes et nouvelles, 1843.djvu/191

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Dernièrement il s’est passé une scène chez elle pendant une fête, qui a produit les plus fâcheuses impressions sur tous les gens de qualité, étrangers et romains, qui y assistaient. Abusant, comme cela ne lui arrive que trop souvent, de son excessive puissance, elle a trouvé moyen de forcer plusieurs personnes de la plus haute noblesse à se produire sur un théâtre élevé chez elle, avec un farceur de profession. Ne pouvant se venger sur elle-même de cet affront, on en a fait subir de cruels a son neveu Maldachini. Il n’est pas jusqu’à ses filles, jusqu’à Justiniani et moi, qui ne se soient ressentis de la colère générale que dona Olimpia avait excitée pendant cette soirée ; et à la froideur dédaigneuse avec laquelle on nous a salués en sortant, il nous a été impossible de douter qu’on se vengeait sur nous des affronts que l’on avait reçus de notre mère. Aujourd’hui, toutes les folles espérances que dona Olimpia avait fondées sur ce pauvre Maldachini sont déjà ruinées, et le pape a acquis la triste expérience qu’on lui a fait commettre une faute irréparable en le poussant à créer cardinal-patron un pauvre garçon qui ne peut pas même servir de prête-nom dans les affaires. Enfin, le pape a reconnu son erreur, il s’en attriste ; et le peuple, comme j’ai eu l’honneur de vous le dire, souffre d’autant plus impatiemment de la disette, qu’il est le témoin journalier des dépenses énormes que l’on fait à la place Navone pour les embellissements du palais Pamphile et l’achèvement de la somptueuse fontaine élevée en ce lieu. En outre, je sais de bonne part que la dispensation des abbayes, des bénéfices et des emplois ecclésiastiques est devenue l’occasion d’un trafic abominable, dont le clergé murmure de tous côtés, et déjà on va même jusqu’à porter des accusations étranges contre des hommes revêtus des charges les plus importantes de l’état. »

Madame de Rossano donnait une attention extrême à tout ce que lui rapportait le prince de Piombino, classant avec soin dans son esprit les diverses circonstances qui semblaient propres à ruiner la puissance de dona Olimpia. Malgré la noblesse de son âme, madame de Rossano, comme tous les exilés, en était réduite à compter sur les désordres et à désirer l’excès du mal, dans l’espoir d’en tirer parti pour ren-