Page:Delécluze - Romans, contes et nouvelles, 1843.djvu/43

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sions mieux, de tout remercîment envers moi, ajouta M. de Thiézac, et je vous ai déjà reconnu trop de pénétration d’esprit pour que, par goût aussi bien que par prudence, je ne vous parle pas avec franchise. À mon âge, vous le sentez, il faut faire sa cour sérieusement. Aussi ai-je profité avec empressement de l’occasion favorable qui se présentait de faire un grand plaisir à votre famille, en vous servant vous-même. Au point où je sais que vous êtes arrivé, il faut voir et connaître Paris. Mais le séjour dans cette ville n’est pas sans danger pour un jeune homme de votre âge quand il n’y est pas solidement fixé par des occupations et des devoirs. Nous avons trouvé moyen de remplir toutes ces conditions difficiles, et il ne tient qu’à vous de bien profiter de ce qui est déjà fait. » M. de Thiézac fit une pause à ce moment ; mais comme Ernest n’en profita pas pour prendre la parole, il ajouta en souriant : « Je vous l’avoue franchement, en agissant ainsi j’avais d’abord l’idée d’être agréable à votre famille ; mais je suis heureux de voir que cette galanterie d’une espèce assez nouvelle prendra, grâce à vous, tout le caractère d’une action sage et raisonnable. Tenez, lisez cela, continua M. de Thiézac en présentant une lettre décachetée à Ernest ; je l’ai reçue ce matin au village des Bains, avant mon départ. » Ernest l’ouvrit et lut ce qui suit :

Paris, ce 20 juin 18...

« Mon cher ami, je ne puis vous écrire que quelques lignes en réponse à la demande que vous m’adressez pour le jeune Ernest de P***. Je connais sa respectable famille, et comme je sais que vous ne pouvez prendre intérêt qu’à des personnes qui en sont dignes, je suis d’autant plus disposé à choisir ce jeune homme pour m’aider dans mes nouvelles occupations, qu’il me faut absolument, et le plus promptement possible, une personne dans la probité et l’intelligence de laquelle je puisse mettre une entière confiance. Envoyez-moi donc Ernest de P*** ici, en toute hâte. Le moindre retard me mettrait hors d’état de l’employer comme vous le désirez.

Tout à vous.

N. »