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Louise, qu’Edmond de Lébis habiterait leur maison. Tous trois sentaient le besoin de se donner réciproquement une compensation pour ce qu’ils avaient perdu. Aux yeux d’un étranger, le genre de vie qu’ils menèrent eût paru un supplice intolérable ; pour eux, c’était une manière d’être douce, comparée aux angoisses de cœur qu’ils eussent éprouvées en se séparant.

Ce deuil intérieur et pur de tout faste dura près d’un an. Madame de Soulanges et le jeune de Lébis, chez lesquels cette douleur se combinait avec leurs habitudes pieuses, auraient sans doute pu vivre longtemps ainsi. Mais bien que M. de Soulanges fût dominé par un chagrin véritable, cependant sa mobilité d’esprit naturelle ne put tenir plus longtemps contre des habitudes journalières dont la régularité et la tristesse auraient indubitablement fini par altérer son caractère et sa santé. Sa femme, qui lui était sincèrement attachée, sentit la nécessité de faire un effort sur elle-même pour remplir envers lui des devoirs sacrés. Elle fut la première à demander l’exécution d’un projet que M. de Soulanges avait glissé plusieurs fois dans la conversation. Il fut donc résolu qu’ils iraient faire un voyage en Italie, accompagnés du jeune Edmond de Lébis.

Rome fut le lieu où ils séjournèrent le plus longtemps et avec le plus de plaisir. Le père de Louise, soit en visitant les nombreuses curiosités de cette ville, soit en fréquentant la haute société que l’on y rencontre, trouva toutes les occasions de se distraire honorablement et avec décence de ses chagrins.

Quant à madame de Soulanges et à M. de Lébis, ils ne pouvaient être mieux placés pour faire accepter à leurs âmes les seules nouveautés qu’elles voulussent admettre. Le nombre et la singularité des églises, les pompes extraordinaires du culte, la vue d’une foule de monuments saints, empreints des souvenirs antiques de la religion chrétienne, furent pour ces deux personnes des occasions de déplacements et de promenades qu’aucun autre sujet n’aurait pu provoquer.

Cependant, ces pieuses distractions elles-mêmes n’eurent qu’une influence très-passagère sur l’esprit de madame de