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que mademoiselle de Liron n’avait pu en interrompre le cours, Ernest se leva brusquement et témoigna avec une espèce de fureur l’intention formelle de s’en aller. Vainement mademoiselle de Liron employa-t-elle toutes les raisons que sa tendresse et la prudence lui suggéraient pour le dissuader de partir à cet instant de la nuit : il ne voulut se rendre à aucune, et répéta à plusieurs reprises, et comme un homme tout à fait hors de lui :

— Je veux partir ! je veux partir !

Le danger de cette scène assez bruyante, au milieu du silence de la nuit, était imminent. Mademoiselle de Liron, qui le sentait bien, fit un dernier effort pour calmer et retenir son cousin.

— Non, répéta-t-il, je veux partir.

— Eh bien ! dit alors mademoiselle Justine avec une tendresse qui n’était pas sans fierté, puisque vous êtes venu ici sans mon ordre, monsieur, vous n’en sortirez que quand je le voudrai.

Le ton dont cette injonction fut prononcée rendit tout à coup Ernest à lui-même. Sa cousine avait été se rasseoir, et, par un mouvement involontaire, il alla se replacer à genoux devant elle.

— Que vous me rendez malheureuse, lui dit-elle, avec vos emportements ! et comme vous semblez prendre plaisir à justifier les craintes que m’inspire votre âge ! Ernest, écoutez-moi donc tranquillement, car j’ai quelque chose de bien sérieux à vous dire, mon ami.

— Parlez, ah ! parlez, Justine !

— Il est donc vrai que vous m’aimez ?

— Oh ! oui.

— Et que votre bonheur et votre avenir dépendent de moi ?

— Je vous l’ai dit.

— Ainsi il dépend de moi, par exemple, que vous poursuiviez avec ardeur la carrière que vous allez embrasser à Paris ?

— Sans aucun doute.

— Pauvre enfant ! ajouta-t-elle en passant plusieurs fois ses mains sur les cheveux et le front d’Ernest ; pauvre en-