Page:Delécluze - Romans, contes et nouvelles, 1843.djvu/565

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

FLAVIE.


Après dix jours de marche dans une plaine où s’élevait cette muraille que leurs yeux avaient prise si longtemps pour une immense chaîne de montagnes, les voyageurs, harassés de fatigue, s’arrêtèrent.

Robert s’assit à terre, et bientôt Caroline et Flavie s’étendirent à ses côtés ; Thérèse était derrière eux, et Lucie un peu plus loin. Toutes s’endormirent d’un sommeil de plomb.

Malgré sa lassitude, Robert ne put prendre de repos. Une inquiétude vague pour toutes les personnes lui l’entouraient, mille pensées qui agitaient son âme, et le voisinage de cette gigantesque muraille au pied de laquelle on était enfin, tout le forçait à demeurer immobile, le regard fixe, et cherchant en vain à suivre et à mettre en ordre le cours impétueux des idées qui traversaient son esprit. Parfois il levait lentement et avec terreur les yeux sur ce mur en talus qui allait se perdre à une distance infinie dans le ciel, sur ce mur dont il pouvait enfin considérer et reconnaître la construction bizarre.

En effet, c’était un assemblage de roches énormes, posées les unes près des autres avec art, et de manière à laisser le moins d’interstices qu’il avait été possible ; et toutefois ces refends, à peine sensibles quand ils étaient comparés à la grosseur des roches et à l’inconcevable immensité du mur, étaient de vastes cavernes relativement à la stature humaine.

Cette construction étrange préoccupait d’autant plus Robert, qu’il y voyait aboutir ces mêmes myriades d’êtres qu’il avait aperçus sur toute la surface de la plaine, à droite et à gauche du sentier que lui et sa troupe avaient suivi pendant