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chaient ; et, chemin faisant, chacun d’eux regardait d’un œil étonné et curieux ces milliers d’êtres disparaissant incessamment dans les entre-roches, comme on voit s’agiter et disparaître au plus léger bruit des amas de lézards qui courent se cacher dans des ruines.

Parvenus à l’extrémité du sentier, ils se trouvèrent en face d’une ouverture pratiquée avec art, et sous laquelle le sentier continuait. Il y eut quelque hésitation de la part de la troupe ; cependant Robert parvint à les décider, et bientôt ils s’y engagèrent, mais environnés d’une obscurité profonde. Toutes allaient en avant, mais en se pressant autour de Robert, et plus particulièrement Caroline et Flavie, qui, toutes deux, s’étaient emparées d’un de ses bras qu’elles serraient avec force. Pressées par la terreur et l’amour, ces trois personnes ne semblaient en faire qu’une.

L’inquiétude croissait avec les ténèbres ; on n’osait plus marcher sans tâter le sol avec le pied, lorsqu’une voix se fit entendre :

« Ne craignez rien, disait-elle, le sentier est droit, uni ; vous pouvez marcher sans crainte, et j’aurai soin de satisfaire votre curiosité au sujet des lieux que vous allez parcourir. »

À ces paroles, toute la troupe éprouva une crainte respectueuse, mêlée d’espérance et d’admiration. La voix qui venait de se faire entendre, quoique d’une ténuité toute prodigieuse, était cependant pure et singulièrement claire ; mais on se taisait, et l’on n’avançait plus.

« Où sommes-nous ? » demanda enfin Robert tout tremblant ; car il reconnaissait bien le son de cette voix mystérieuse. « Où sommes-nous ? » répéta-t-il après un moment d’hésitation, pendant lequel il chercha à rassembler ses forces et son courage.

« Vous êtes, répondit-on, au milieu des voies de la pénitence. Le sentier que vous parcourez est réservé à ceux qui, comme vous, sont moins indignes que d’autres de l’indulgence céleste. Mais prenez patience encore pendant quelques instants, afin que vos sens ayant oublié les impressions terrestres, vous puissiez recevoir celles de cet autre monde. Alors vous verrez où vous êtes, vous entendrez ceux qui