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DISCOURS PRÉLIMINAIRE.

modo docere ; et il assure que dans le cours de quatorze ou seize ans, il a perdu entièrement la mémoire, n’ayant point eu occasion d’y penser (Folio 79—83). Pour qu’on l’excuse, s’il a enfreint l’injonction qui lui a été faite, puisque ne se rappelant pas les mots quovis modo docere, il croyait que le décret de la congrégation de l’index suffisait, étant ce décret publié et en tout conforme aux expressions qui sont dans ce certificat ; savoir, que ladite opinion n’a point dû être adoptée ni défendue, d’autant plus que pour l’impression, lui Galilée a observé tout ce à quoi son décret l’obligeait. Il le rapporte, non pour se disculper d’erreur, mais parce qu’il ne lui impute ni ruse ni méchanceté, et seulement une vaine ambition. Met humblement en considération son âge caduc de soixante-dix ans, accompagné d’infirmités dignes de pitié, d’affliction d’esprit pendant dix mois, les incommodités souffertes dans le voyage, les calomnies de ses rivaux, auxquels ont été soumis son honneur et sa réputation. »

Il faut en effet bien se pénétrer de ces dernières lignes, pour lui passer tout ce qu’on voit dans le reste de faiblesse et de manque absolu de sincérité. Il a dit, dans une lettre à l’un de ses disciples, que sa défense a fait hausser les épaules à ses juges, et on le conçoit ; ce qu’on a peine à concevoir, c’est qu’il ait pu croire tant de force à ses deux argumens des taches du Soleil et du flux et reflux de la mer ; il avait raison plus qu’il ne pensait, en assurant qu’ils sont peu concluans et susceptibles de réfutation. Pour plus grande preuve qu’il n’avait pas eu réellement l’intention de faire croire au système de Copernic, et qu’il n’avait eu d’autre ambition que celle de se montrer plus subtil que le commun des hommes, enfin que tout son tort était un vain amour de gloire, il aurait pu dire qu’il n’avait produit, en faveur de cette hypothèse, que des argumens tirés de son propre fond ou de ses découvertes, lesquelles, comme les phases de Vénus, les taches du Soleil, les quatre Lunes de Jupiter et les trois corps de Saturne, ne prouvaient absolument rien pour le mouvement de la Terre (puisqu’elles s’accommoderaient également bien au système de Tycho), et qu’il s’était bien donné de garde de dire un seul mot des lois de Képler et de tant d’autres preuves publiées déjà par cet astronome, et bien plus faites pour entrer avec une force et une vigueur extraordinaires dans les oreilles et dans l’esprit du lecteur ; mais sa situation ne le rend que trop excusable, s’il dissimule et offre même de réfuter plus amplement une opinion qu’il avait embrassée bien