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Comme tout le monde

sorte de serre, jardin d’hiver touffu d’arbres précieux et de fleurs, où la chaleur d’un invisible calorifère est douce comme l’été. Par les vitrages glauques on voit, jusqu’au bout de l’horizon, la campagne incolore de l’hiver. Dans un vaste aquarium, des poissons éclatants frétillent, tout au milieu de la véranda. À gauche, entre des palmiers, c’est une volière à grillages dorés, pleine d’oiseaux extraordinaires. Un grand sloughi dort sur une peau d’ours blanc, son museau trop long posé sur ses pattes de chimère. Une petite odeur de tabac d’Orient flotte parmi les choses.

Isabelle perd la tête. Elle n’ose pas lever les yeux sur le marquis, elle n’ose pas non plus regarder autour d’elle. Elle n’a pas encore eu l’idée de lâcher sa jupe. C’est à peine si elle peut comprendre que le marquis l’invite à s’asseoir sur un divan bas, où des coussins de toutes couleurs culbutent les uns par-dessus les autres.

Enfin, elle s’assied en disant : « Merci, monsieur », puis devient plus rouge encore, reprend sa respiration, et, les yeux fixés à terre, commence :

— Je suis venue… remercier votre… je veux dire madame… la marquise… de m’avoir ramenée chez moi, l’autre jour, dans…

— Oh !… interrompt le marquis avec un geste qui signifie : « Cela n’en vaut pas la peine. »