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Page:Delarue-Madrus - Comme tout le monde.djvu/103

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Comme tout le monde

regardant évoluer, dorés, rouges ou noirs, les charmants télescopes. Cela donne à Isabelle le temps de se remettre tout à fait.

Elle examine un bon moment le jeu de ces poissons de Chine, dont chacun est rond comme une noix, avec deux yeux ressortis qui ressemblent aux lanternes d’une auto, des écailles précieuses et une queue plus longue que son corps, tout en dentelle, semblable à un papillon dont les ailes séparées seraient tissées en fil d’araignée. Plus jolies que des fleurs, plus façonnées que des bagues, les fragiles bestioles aquatiques vont et viennent sans se lasser. Isabelle, très impressionnée, ne peut s’empêcher de dire :

— On dirait des fées…

Et comme elle n’est pas obligée de regarder le marquis, elle se risque à dire encore :

— … Comme dans les contes de nursery.

— Vous parlez donc l’anglais ?… dit-il étonné. Vous prononcez si bien « nursery ».

Alors, Isabelle sourit sans presque rougir.

Yes… répond-elle.

Son cœur est envahi d’orgueil, à cause de ce savoir auquel elle n’avait jamais songé, ce savoir qu’elle possède et dont elle n’use plus depuis si longtemps, ce savoir qui lui confère, aux yeux du marquis, une distinction inattendue. Et voici que