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Comme tout le monde

cela, subitement, l’apprivoise. Une véritable transfiguration s’opère en elle, simplement parce qu’elle a retrouvé la langue de son enfance :

I spoke english before french…, fait-elle, as a child…

Le plus naturellement du monde, ils se mettent tous deux à causer, unis par cette langue étrangère, comme si, en dehors du français, il leur était enfin permis de se comprendre, d’échanger leurs paroles avec aisance et grâce.

Wonderful !… répétait Isabelle, pleine d’assurance.

Sa main suivait, le long des parois de l’aquarium, la danse des poissons chinois.

Après l’aquarium, on alla regarder de près la volière. La conversation britannique s’animait. Jamais la petite Chardier ne se fût crue éloquente à ce point. De minute en minute son aplomb grandissait, allait presque jusqu’à la coquetterie. Ses prunelles rousses regardaient en face les yeux gris du gentilhomme, ces yeux gris un peu fatigués, si charmants…

À présent, elle croquait des bonbons, renversait un peu le buste en arrière, montrait, dans un sourire, ses petites dents irrégulières et fraîches. Et, pas plus que le marquis, elle ne songeait maintenant à madame de Taranne.