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Comme tout le monde

que le sacrifice, accompli sans plaisir, soit plus complet encore. Les larmes d’Isabelle ont mouillé l’oreiller. Elle n’a pas de mouchoir sous la main. Elle sent sa figure gonflée, misérable.

— Pourtant je ne pourrai pas faire ça… marmotte-t-elle dans l’obscurité, d’une voix enrhumée de larmes, je ne pourrai pas !…

Le sentiment de sa faiblesse l’écrase. Elle se sent trop timide, trop honnête pour supporter une aventure amoureuse. Elle ne pourrait plus lever les yeux sur son mari, embrasser ses enfants. Elle perdrait la tête quand les gens la regarderaient. Le foyer, les traditions, les scrupules, tout cela de trop près l’enserre, ankylose son cœur de jeune femme, son cœur qui veut battre, qui veut aimer, qui veut vivre. Isabelle sent que son honnêteté sera toujours plus forte que tout. Et voici que, ce soir, cette honnêteté lui semble une petitesse, une couardise, quelque chose de méprisable comme une tare.

Alors elle replace sa petite figure dans son bras replié et recommence à pleurer tout bas, désespérément.


Quand Léon vint se coucher quelques heures après les enfants, elle fit semblant de dormir pour