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Page:Delarue-Mardrus - L’hermine passant, 1938.djvu/52

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l’hermine passant

À ce mot, magie ! Mlle Tuache, comprenant que l’achat du La Tour allait suivre cette entrée sensationnelle, se mit à rire, ce qui n’est pas un spectacle ordinaire. « Eh ! bien ! Eh bien ! voilà une manière originale et charmante de faire connaissance ! » Le comte pousse son ricanement. Maintenant tournée au violet, la comtesse fait signe au domestique foudroyé d’apporter les assiettes et les couverts, et les deux filles, revenues à leurs chaises, les écartent timidement pour nous faire de la place. En un instant, le brouet qu’ils allaient manger disparaît de la vieille toile cirée qui leur sert de nappe ; et bientôt les langues se délient.

Mme de Bocquensé commence la première. C’est une grosse personne au teint plaqué d’écarlate, aux cheveux tout blancs relevés à la Louis XV, une sorte de La Tour encore, si l’on veut, mais retouché par l’école de 1880. Un fichu de laine noire au crochet couvre pauvrement ses épaules empâtées. Elle a dû être jolie. Sa voix distinguée est d’une douceur charmante.

— Excusez-nous… balbutie-t-elle. Nous vivons si retirés, nous…