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la mère et le fils

ce cirque J.-J., plus un géant et un nain qui travaillaient ensemble. Plusieurs numéros devaient être faits par les mêmes sous des noms différents, et le « service de la barrière » (hommes de pistes et écuyers en livrée), serait assuré, comme au temps jadis, par tous les exécutants mâles, quelle que fût leur importance, lesquels changeraient à tour de rôle leur costume étincelant pour l’habit à boutons d’or et le kaki modeste de ceux qu’on voit, pendant la représentation, alignés devant les rideaux joints, à moins qu’ils ne s’activent autour d’un appareil à monter ou d’un filet à tendre.

Ainsi arrive-t-il, dans certaines communautés religieuses, que le Supérieur redevienne convers, et réciproquement.

Cette clause avait fait sourciller Irénée encore novice. Elle semblait bien naturelle à ses camarades de voyage, qui, de toutes les nationalités, avaient une expérience identique de la vie foraine.

Le temps passait. Puis une voix qui l’interpellait le tira de sa torpeur absorbée.

— Et vous ?… Qu’est-ce que c’est que votre travail ?

Résolument, il se tourna du côté de la compagnie. Il aurait eu horreur de lui-même s’il avait paru se distinguer de ses humbles collègues.

Celui qui s’adressait à lui, garçon jeune et trapu, souriait en le regardant. Et il y eut un moment d’attention générale lorsqu’il répondit :

— Moi, je suis écuyer de voltige.

— Comme nous !… se récrièrent ensemble deux filles assises à l’autre bout.

La plus âgée se pencha, intéressée.

— Quel numéro faites-vous ?… Moi et ma sœur, on fait le double jockey !

La sœur, timide, ne disait rien et ne regardait personne.

— Pour le moment, dit Irénée, je reprends la voltige à la Richard avec Dick. Mais bientôt, je sortirai d’autres choses. Je travaille ça avec M. Johny John.

— Ah !… tu vois !… fit une femme laide, maigre et fanée.

Elle se tourna vers Irénée :