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Page:Delarue-Mardrus - La mère et le fils,1925.djvu/36

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la mère et le fils

c’est pour madame que je reste là. Quand on l’aura enlevée, je ne serai pas embarrassée pour me placer, que M. le Maire, en ville, cherche une bonne à tout faire et me demande tout le temps d’entrer chez lui. Tenez, pas plus tard qu’hier, il m’a rencontrée comme je revenais de courses, et…

— Quand vous allez faire des courses en ville, interrogea la voix toujours sans timbre mais soudain impérieuse, qu’est-ce qui garde maman ? Votre nièce vient-elle toujours comme avant, quand on a besoin d’elle ?

— Non, monsieur. Ces messieurs ont dit que c’était de la dépense inutile.

— Alors, qu’est-ce qui garde maman ? recommença-t-il, plus bref.

— Personne, monsieur !

Elle l’avait dit sur un ton si naturel qu’il retint son cri.

— Après ?… s’étrangla-t-il, le regard dur.

— Après, monsieur, c’est tout…

Au bout du long silence qui suivit :

— Faudra-t-il avertir ces messieurs de votre retour ?… demanda-t-elle.

Il l’enveloppa d’un éclat de ses yeux bleus.

— Non !

Il avait dit qu’il voulait être seul avec elle.

Il retourna s’agenouiller au chevet du lit. Les billets de banque étaient restés dans la main molle. Il prit de grandes précautions pour les retirer un à un. Comme il les remettait dans sa poche, un sanglot le déchira, si violent qu’il en fut lui-même saisi. Et, là-dessus, la malheureuse eut comme un tressaillement.

— Maman !

Un espoir inouï venait d’arrêter les pleurs du garçon. Il ne prit pas le temps de chercher son mouchoir. S’essuyant les