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Page:Delarue-Mardrus - La mère et le fils,1925.djvu/37

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la mère et le fils

yeux et le nez, comme un enfant, du revers de la main, il saisit sa mère par les épaules. Elle l’avait entendu. Son cœur n’était donc pas définitivement mort.

— Maman ?… cria-t-il encore une fois.

Et, certes, s’il restait en elle un dernier vestige de fibre maternelle, elle devait répondre à cet appel terrible.

La face contre la sienne, magnétique, la dévorant des yeux, toutes les énergies de son être concentrées :

— C’est moi ! C’est Irénée ! Vous me reconnaissez bien, dites ? Maman ?… Mais enfin, maman, vous n’êtes pas morte ! Vous respirez, vous êtes là, c’est vous ! Maman ! Mais regardez-moi donc !

Il s’aperçut qu’il la secouait, et s’arrêta. Il haletait, couvert de sueur. Pendant un moment, le poing sur la bouche, muet, il la considéra, les sourcils froncés. Il y avait de l’irritation, presque de la colère dans son attitude.

Nerveusement, il lui prit la tête à deux mains, cherchant ses yeux, ses yeux qui ne regardaient rien. Ainsi bousculée, il la vit faire une toute petite grimace de tout petit bébé qui va pleurer, peut-être.

Il serra les dents. Ce fut presque tout bas qu’il parla cette fois :

— Maman ! Écoutez ! Écoutez !… Il faut quand même que je vous raconte tout. Vous avez peut-être cru que j’étais parti pour faire des bêtises… Ils disent que vous n’avez pas lu ma lettre. Peut-être que vous l’avez lue ? L’avez-vous lue ? Avec un frisson, il la lâcha. La vieille bouche triste venait de rire aux anges.

Plus atterré que devant un cadavre, le fils, tant qu’elle dura, regarda cette chose. Puis, peu à peu, le pauvre visage retourna doucement à son imbécillité.

La tête lourde et basse fut reprise, avec grand soin cette fois, par deux mains peureuses.

— Étendez-vous sur l’oreiller, maman… Là… Vous vous fatiguez à rester toujours assise…

Quand elle fut allongée et la tête enfouie dans les blan-