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Page:Delarue-Mardrus - La mère et le fils,1925.djvu/38

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la mère et le fils

cheurs, il s’installa gentiment sur le bord du lit. Et, ne la quittant pas des yeux, immobile et muet, sans effort et sans bruit, il pleura.

De temps en temps, il hochait la tête. Il avait trouvé son mouchoir. Les larmes coulaient sur ses joues et presque dans sa bouche. À mesure, il essuyait cela.

On n’entendait rien dans la maison qu’un vague bruit venu de la cuisine, en bas, où la mère Hortense devait s’occuper. Un petit oiseau chantait encore dehors. Le soir hâtif allait bientôt tomber.

À un moment, Irénée se pencha. Non. Elle ne dormait pas. Ses petits yeux noirs, arrêtés sur le vide, étaient ceux d’un nouveau-né.

Le bruit de sa propre voix effraya l’adolescent. Les larmes le firent parler du nez, comme quand on a le rhume de cerveau.

— Maman… prononça-t-il aussi bas qu’il put, et sur le ton le plus déchirant, je vous en prie, une fois seulement, dites-moi : « À quoi penses-tu ? »

La mère Hortense dut lui toucher l’épaule. Tout en secouant de pitié la tête :

— Monsieur veut-il dîner ?… C’est prêt. Ça fera du bien à monsieur.

Il bondit sur elle. Elle crut qu’il allait la renverser.

— Allez-vous-en ! Je vous défends de me déranger ! Je ne veux pas dîner ! Je ne veux rien ! Je veux rester avec maman. Avec maman !

Petite ombre trapue reculée dans le fond, la vieille, effrayée, prit son temps avant d’oser parler. Mais enfin elle articula tout bas :

— Ce n’est pas possible que vous restiez tout seul à soi-