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Page:Delarue-Mardrus - La mère et le fils,1925.djvu/39

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la mère et le fils
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gner madame, monsieur. Madame est redevenue comme un poulot. Il faudra bien, tout à l’heure, que je vienne l’arranger pour la nuit. Voilà son heure de manger, aussi…

Subitement, il se radoucit. Il venait de comprendre que sa mère n’avait plus que cette vieille femme pour prendre soin d’elle. Allait-il, comme toujours, lui faire du mal en apportant le trouble à son chevet ?

— Faites comme vous avez l’habitude de faire… dit-il d’un ton câlin.

— Alors, je vais apporter la lampe, reprit-elle, pleinement rassurée. Elle va prendre sa soupe et sa petite crème. Si ça vous fait plaisir de la faire manger vous-même, monsieur, je vous montrerai…

Et ces mots le firent longuement frissonner.

Il avait dû renoncer à garder la cuiller. Les larmes l’aveuglaient. Il laissa faire la mère Hortense. Celle-ci, d’instinct, parlait à maman, qui ne l’entendait pas, comme on parle aux bébés, petite voix bête, petits mots ridicules.

Quand le repas fut terminé :

— Maintenant, je vais la coucher ! Si monsieur veut attendre dans le couloir…

Par les petits carreaux coloriés, il regarda la nuit. Un peu de lune sous des nuages laissait distinguer quelques formes. Machinalement, il refit les gestes de son premier âge, et colla ses yeux tour à tour derrière chaque couleur. Quand on regardait de cette façon en plein jour, ici le paysage baignait dans l’indigo, là dans une fournaise rouge, là dans un soleil jaune. Les merveilles de l’enfance palpitaient encore dans ce couloir, lanterne magique, féerie, couleurs artificielles et paysages vrais.

Une horreur indécise, une nostalgie déchirante l’immobi-