Aller au contenu

Page:Delarue-Mardrus - La mère et le fils,1925.djvu/40

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
40
la mère et le fils

lisaient là, ce soir, tandis que son regard cherchait soigneusement les détails de chaque tableau de verre où remuaient les arbres nocturnes.

Nulle tristesse et nulle solitude ne seraient jamais plus grandes, tant qu’il vivrait, que la tristesse et la solitude de ces vingt minutes d’attente dans ce couloir sans lumière et glacé. Aucun enfant sans mère, livré à de froids parents, abandonné aux domestiques après d’heureuses années dorlotées, aucun orphelin revenant de l’enterrement de sa chérie ne serait, au monde, plus désespéré qu’il ne l’était, là, tandis que ses yeux distraits passaient ainsi du jaune au rouge et du rouge au bleu.

— C’est fini ! Monsieur peut venir !

La chambre était rangée, la malade étroitement bordée dans son lit bien propre. La veilleuse était allumée déjà dans son coin, quoique la lampe fût encore sur la table.

— Vous la soignez bien… dit-il. Je vous remercie, ma bonne mère Hortense.

Elle fit un court geste d’humilité, tout heureuse d’être complimentée. Puis elle demanda si vraiment il ne voulait pas dîner.

— Je ne pourrais pas… répondit-il doucement.

Elle sentait que c’était le moment de parler. Il s’était assis sur le bout du lit. Elle se rapprocha, croisa ses mains sur son tablier bleu. Sans le regarder, elle commença :

— Qu’est-ce que vous comptez faire, m’sieu Irénée ? Allez-vous rester chez nous, maintenant, ou bien allez-vous repartir ?

— Je ne sais pas…

— Bien… Mais vos oncles, s’ils reviennent ?

— J’entendrai bien leur auto. Je me cacherai.

— Mais ils peuvent rester deux ou trois jours !…

— Oh ! je m’arrangerai, n’ayez pas peur. Vous ne leur direz pas que je suis revenu, naturellement !

Les mains remuèrent sur le tablier bleu.

— C’est bien difficile, tout ça ! C’est qu’ici je suis responsable de tout, maintenant ! Et puis, continua-t-elle, embar-