Page:Delarue-Mardrus - Rédalga, 1931.djvu/121

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
121
rédalga

quelques bonds, la rattrapa. Le sentant derrière elle, elle courut plus fort. Cependant, ils ne ressemblaient pas à deux enfants qui jouent, mais plutôt à un faune poursuivant une bacchante.

Elle se sauva de lui longtemps. Quand il put enfin mettre la main sur elle, il la saisit par l’épaule, puis par les cheveux, à la nuque. Un désir de bête l’entraînait à la brutaliser. Dans la nuit de l’allée obscure, elle se dégagea, haletante, et reprit sa course ; et, quelques pas plus loin, elle trouva le bosquet autour de quoi tourner afin de n’être pas prise.

La gardienne, apparue sur la pelouse pour demander quelque chose, s’égayait de loin toute seule en les regardant, ne pouvant comprendre ce qu’il y avait de presque tragique dans leur amusement d’arrivée. Quand ils l’aperçurent enfin, la poursuite cessa du coup. Tous deux vinrent vers elle, la poitrine à bout de souffle ; et ni l’un ni l’autre ne riait.

— C’est pour les malles, dit cette femme. Faut-il mettre tout dans la même chambre ?

Elle s’adressait plutôt à madame, comme cela se doit. Mais madame n’avait pas compris un mot.

— ''What does she say ?

— Allons voir !… dit Jude d’un air grave.

La plus belle chambre fut pour Rédalga. Celle de Jude en était séparée par la salle de bain. Tandis qu’ils prenaient ces dispositions, une certaine gêne fit que le sculpteur baissa les yeux. Mais l’autre resta parfaitement calme.

Sagement, chacun chez soi, tous deux commencèrent à ranger leurs affaires. La gardienne allait et venait d’une chambre à l’autre. Elle descendit bientôt, pour préparer le dîner, dit-elle.

Quand ils se trouvèrent à table, une surprise. Mrs Backeray, dans cette maison chic, avait retrouvé son protocole anglais. Au lieu du tailleur ordinaire elle portait un corsage