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rédalga

ouvert, aux manches courtes, modeste chose et manifestement usagée, mais qui faisait son effet tout de même parmi les cristaux, les éclats de la belle vaisselle et le vase de fleurs du milieu.

Nice !… (joli), dit Harlingues dont les yeux furent se de félicitations.

Par orgueil enfantin, il ne voulait dire pendant le diner que des mots anglais, à cause de la jardinière qui les écoutait.

Le résultat fut qu’ils n’échangèrent que des monosyllabes coupés par de grands silences. La jardinière, après les ébats auxquels elle avait assisté dans le parc, s’étonnait fort de leur air glacial. Elle les avait constatés ! « pas fiers et tout à fait gosses », et pensait devenir vite familière avec eux.

Le dîner qu’elle leur servait était simple et succulent. Elle avait reçu l’ordre de les traiter exactement comme le comte lui-même. Le vin rouge était bon. Une bouteille d’eau minérale l’accompagnait. Mais, livrée à elle-même en face de Jude qui n’osait pas intervenir, Rédalga le buvait pur, par grands verres successifs.

Au dessert, la gardienne servit du cognac et de la chartreuse. Les yeux de l’Anglaise brillèrent, ceux de Jude se rembrunirent.

« Je n’avais pas besoin d’apporter tant de porto !… » pensa-t-il.

Les cigarettes, apparues avec les liqueurs, remplirent la salle à manger de leurs ramages bleus.

Volontiers, Mrs Backeray se fût attardée là.

Go !… garden !… proposa Jude en voyant se préparer le troisième petit verre.

Ils se levèrent. La fin du crépuscule laissait un bain de demi-jour sur la pelouse. Tout le reste était déjà noir.

Au bout de quelques pas, Harlingues prit doucement le bras nu de sa compagne. Après leur course païenne d’avant