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rédalga

you !… Moi ami, friend !… Pas boire ! Pas joli. Drink very bad ! Viens dans le parc ! Come garden !… Voir le chien, dog… Tiens, voilà tes cigarettes… Donne-moi la main. Tu ne m’aimes donc pas ?… You don’t love me ?

Il se tut, à bout de forces. L’intoxiquée, appuyée au mur, le fixait avec des yeux venus d’on ne savait quels bas-fonds antérieurs.

Il pensa vertigineusement qu’elle allait le quitter le soir même pour retourner à ses bars de Paris. C’était vers cinq heures que la prenait sa crise. À partir de cette heure-là, sans doute, elle avait l’habitude de boire jusqu’à l’ivresse complète, très tard dans la nuit.

La vanité de son effort pour la guérir lui apparut dans toute son horreur. Renoncer à elle, il savait bien qu’il ne le pouvait plus depuis la nuit dernière. La sensualité s’y était mise, achevant sa passion pour cette femme, cette chimère dangereuse, ce sphinx muet qu’il devait deviner sans paroles, maîtriser sans armes.

Il sentit qu’il était vaincu, prêt à la laisser boire tant qu’elle voudrait, pourvu qu’elle ne partit pas. Cette faiblesse honteuse lui fit baisser la tête. Son courage de lutteur n’était pas allé loin. ;

Tout ce qui venait de passer sur son visage de grand naïf, l’Anglaise l’avait-elle lu comme la page d’un livre ? Elle fut contre lui, ses bras autour de son cou, sa bouche sur son front, parmi les boucles noires.

My boy !

Elle lui prit la tête avec précaution pour la poser sur son épaule. Et, lui tapotant le bras, elle le berçait dans un chuchotis indéchiffrable.

— Rédalga !

Ah ! consolatrice, dominatrice, grande sœur apaisant l’enfant chagriné ! Sans contrôle sur ses nerfs tendus, désorganisé