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rédalga

— Si je voulais, je pourrais travailler ce soir même, aussitôt après le diner.

Voilà ce que pensait Harlingues, debout au milieu de ce garage. Samadel reparti, la petite rumeur de l’installation terminée, seul à côté de ses cubes de terre amassés dans la caisse, il les regardait avec envie.

« Et Rédalga qui est toute seule à la maison ! Je ne peux pas lui demander de poser tout de suite. D’abord on n’y voit plus assez, avec cette averse qui ne cesse pas, et ensuite, nous allons dîner dans un quart d’heure… »

Il se dépêcha, troublé, de s’en aller. Cette caisse d’argile le retenait comme un aimant.

En l’entendant rentrer, Mary Backeray descendit. Elle avait déjà son corsage ouvert du soir. Il fut frappé par son regard. C’était le regard ancien : caverneux, plein d’une sourde épouvante. « Qu’est-ce qu’elle a ?… » se demanda-t-il…

Il lui prit la main.

Not well ?… (Pas bien ?)

Elle baissait la tête, avec son air de fille battue. Il imagina qu’elle pensait à la confidence révélée à l’aide du dictionnaire.

— Va, ma girl !… lui déclara-t-il, ou plutôt à lui-même. Je te ferai oublier les mauvais traitements, moi !

Par gesticulations, il fit comprendre comme il put qu’il montait pour changer ses chaussures boueuses et sa veste salie, mais qu’il allait revenir tout de suite.

Dans sa chambre, ayant allumé l’électricité, ce ne fut qu’en ouvrant l’armoire pour y prendre d’autres souliers : non seulement la bouteille entamée de porto était vide, mais une autre avait été débouchée, et plus de la moitié du vin manquait.