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rédalga

douter que sa démarche et l’adresse de son moindre geste ont pour base ces danses ibériques que presque tous les Portugais du grand monde savent danser comme leur populaire ? Et pourquoi, lorsque son regard rêve, saurions-nous de quel romantisme à la Musset vit parfois chez lui ce peuple que nous n’allons jamais voir ?

Entre deux catastrophes de l’orchestre :

— Allons au bar, maintenant. Nous avons assez vu le charleston. En bas, il n’y a pas de jazz, et le public est tout de même plus drôle.

Consentants, ils se levèrent tous pour suivre Alvaro. Dans le café d’en bas la géographie entière est représentée par des consommateurs de tous pays. On y parle les langues les plus inconnues, très peu le français. La bohème étrangère est là chez elle, et ce sont les Parisiens qui y jouent le rôle d’intrus.

Harlingues, ne sortant jamais, croyait, en ce lieu bondé, si vite banal, faire un voyage autour du monde. Il avait bu beaucoup de champagne à table et la vie lui paraissait magnifique, surtout après sa journée en plein pessimisme. Dès le premier verre de la chose inconnue qu’on lui servait, ses yeux plus que pâles devinrent extrêmement tendres, et le bar tangua.

Lévesque, un peu moins gris que lui, s’intéressa beaucoup à la petite bonne femme qui circulait entre les tables, fille de dix-huit ans coiffée comme la Sarah Bernhardt de Bastien Le Page, très jolie, et dont les yeux cocaïnés, la pâleur transparente, la peau tendue sur les pommettes achevaient l’allure : une dame aux Camélias de 1927, personnification assez pathétique du romanesque moderne, qui ne va pas sans drogues, gouape et sens pratique.

— Regardez-la ! C’est la même Coco ! Elle va en mourir, ce n’est pas difficile à voir ! J’aimerais la peindre, avec