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tout, de cette désagréable aventure qui lui arrivait. « Pourquoi m’a-t-il amené ça ? Qu’est-ce que je vais faire, maintenant ? »

— Où demeurez-vous ?… demanda-t-il, toujours criant comme un sourd pour se mieux faire comprendre. Adresse ?… Your address ?

Car il n’y avait qu’à la reconduire chez elle, évidemment.

Mais elle secoua la tête, en proie à quelque dangereuse idée fixe d’alcoolique. Et ses mains serrèrent plus fort la manche à laquelle elle s’agrippait.

Address ? … répéta-t-il en tapant du pied.

Rien. Elle s’entêterait à ne pas la dire.

Il fut sur le point de la malmener pour la faire lâcher prise. Une honte le retint. Et, rageur, avec le sentiment de son ridicule, il se mit à marcher à grands pas, traînant, contre son gré, cette compagne à son bras.

— Si je savais seulement où demeure Rodrigo ! Il sait où est son hôtel, lui !… Je pourrais aussi téléphoner à Alvaro, au Continental. Mais, à cette heure-ci, il n’y sera pas… Et puis, j’ignore s’il en sait plus long que moi. Il pourrait, n’importe comment, téléphoner à Rodrigo… Oui… Mais entrer à la poste ou chez le bistro… Qu’est-ce qu’elle fera pendant ce temps-là ?… Je vais prendre une voiture et la planter là, voilà tout.

Vraiment, pouvait-il, dans l’état où elle était, l’abandonner dans la rue, seule et à cette heure, triste proie des farceurs possibles ou du poste de police ?

Il se tourna pour l’examiner, furibond, tout en avançant à grands pas. Elle tenait toujours son vieux feutre dans sa main, Ses cheveux extraordinaires volaient au vent de la marche.

Au bout de la petite rue déserte, ce fut un carrefour assez passant. Les gens commencèrent à les regarder. Alors