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rédalga

Longtemps, en y songeant, il regarda la fumée de sa cigarette composer et décomposer d’informes créations. Puis, peu à peu, comme chaque soir, sa pensée retourna vers son atelier, vers son travail en train, qu’il reprendrait demain avec tant de plaisir.

« Je crois qu’Alvaro sera bien heureux quand il verra que j’ai commencé sa fontaine. »

Il jugea qu’avant de continuer il était préférable de lui faire voir l’ébauche. Après réflexion, il décida de lui envoyer un pneumatique. Il le jetterait à la poste en allant à l’atelier.

Ayant écrit cela sur sa table encombrée, après quelques bâillements il se dirigea vers sa chambre à coucher.

Ô bonheur d’aller, comme chaque soir et pour toute la nuit, retrouver son bon sommeil de brute fatiguée !

Le lendemain, au premier coup d’œil jeté sur sa fontaine, il fut satisfait. Il se défiait quelquefois de ses emballements, sachant quels désespoirs pouvaient suivre.

— Non !… C’est bien !… chuchota-t-il en passant sa blouse.

Déjà son regard dévorait modelait avant ses mains. La belle lumière du matin jouait dans la poussière et posait des pierreries sur des têtes et des épaules de plâtre. Jusqu’au moment d’aller déjeuner dans le débit du coin, quatre ou cinq belles heures de travail allaient s’écouler, rapides comme des minutes ; heures pendant lesquelles on ne sait plus où l’on est ni qui l’on est, ayant oublié même le nom qu’on porte et si l’on est un homme ou une femme.

La glaise docile attendait son maître. En plongeant dans la cuve, les manches retroussées, Harlingues se mit à chanter.

À midi seulement quelqu’un pénétra. Ce fut Samadel. Il venait dire qu’à la fin de la semaine, il pourrait mouler le