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rédalga

La bouteille de porto restait cachée avec les verres derrière le poêle. Harlingues attendait assez malicieusement l’heure du « thé » pour découvrir sa manigance.

Mrs Backeray, venue à deux heures, posait sagement sans même fumer. Elle n’avait rien dit en entrant, n’avait rien regardé, s’était assise après une simple poignée de main, et, depuis, elle restait sombre, retrouvant d’elle-même l’expression que cherchait l’artiste.

En plein entrain créateur, il se dépêchait de fixer ce qu’il voyait, tout en guettant l’agitation annonciatrice de soif.

Vers quatre heures et demie, il regarda l’horloge ostensiblement.

— Vous pas vouloir your tea ?

Le menton bas, elle secoua fortement la tête sans lever les yeux, à la manière d’un enfant puni ; cela le fit sourire, débonnaire, attendri.

— Allons !… dit-il en allant vers elle. Venez. Il faut vous reposer, date tous les cas. ;

Comme elle se rétractait à son approche :

Come ! Venez voir mother revenue du moulage !

Elle suivit son geste, et, seulement alors aperçut le plâtre frais. Elle se : leva du coup. Ce buste-là l’hypnotisait certainement. Elle alla le toucher d’une main respectueuse, fixa longtemps les traits du vieux, énergique et doux visage.

— Ah ! fit Harlingues dans un souffle.

L’Anglaise, penchée, venait d’embrasser le front de plâtre.

— Curieux !… pensa-t-il, remué, Qu’est-ce que qui peut bien se passer dans la tête de cette fille-là ?

Il ne bougeait pas, continuait à la regarder faire.