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J’vas-t-y t’manger parce que t’iras faire ta prière ? On n’est tout d’même pas des payens, cheuz nous, tu sais bien ! J’ai fait ma communion. Maurice et Armand la feront itou. Et j’crains pas d’entrer avec toi là-n’dans, car ça n’s’ra ni la première ni la dernière fois !

Et, de ce jour, le mousse, obéissant à sa tradition, retourna fidèlement à la messe, à Sainte-Catherine, chaque fois que le lui permit la marée.

Quand le mois de mai revint, — il y avait un an et demi qu’il était entré dans la famille Bucaille, — il se mit en route, un matin, avec Ludivine et les garçons, pour aller voir la procession des marins, qui, chaque année, monte en fête à la côte, derrière des petits bateaux de poupée, vénérables, pavoisés, et portés par des marmots déguisés en matelots.

Le clergé, puisqu’il s’agit d’une corporation, monte à part et d’avance en voiture, ce qui retire à la fête beaucoup de faste et beaucoup de charme. Une société de gymnastique, soufflant dans des cuivres, remplace prêtres et petits-clercs. Néanmoins, un reste du passé demeure encore dans cette manifestation naïve et populaire, à laquelle vient assister, comme à un vieux spectacle aimé, la moitié de la ville.

Des oriflammes suspendus entre les arbres du plateau, devant la chapelle, font flotter leurs petites couleurs parmi la verdure foncée. Le frais printemps sent bon de tous les côtés. La Normandie est encore chez elle, sans Parisiens errants, bien locale, et magnifiée par sa saison la plus belle, celle-là même que les horzains ne viennent jamais voir.

Peu à peu, les bannières qui montent viennent rejoindre les oriflammes qui attendent. En face de la chapelle ardoisée et pauvrette, un moderne autel, installé sous un toit, entre des marches et des vitraux, permet le salut, la messe et les prêches en plein air, quand la chapelle trop petite ne peut plus contenir ses pèlerins.