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Et, parmi le grouillement de la foule, s’installent ou circulent des petits marchands de gâteaux ou de bonbons, ce qui fait l’atmosphère de ce beau décor, les jours de grande fête religieuse, à la fois profane et sacrée.

Delphin était tout heureux que la fête des marins lui donnât l’occasion, une fois dans sa vie, d’emmener Ludivine du côté des dévotions.

Ayant devant eux, comme toujours, les deux petits garçons, ils montèrent la longue côte d’ombre qui va vers la lumière, et qui semble, en vérité, mener tout droit au paradis.

Il avait un peu plus de seize ans ; elle en avait un peu plus de quinze. Il la dépassait de la moitié d’une tête. Mais sa lèvre lisse de petit garçon, sa voix claire qui commençait à peine à muer, le laissaient encore n’être qu’un enfant, alors qu’elle avait déjà l’air d’une petite femme.

Ils étaient blonds tous deux. Cependant la dorure de Delphin semblait presque sombre à côté de l’étonnante chevelure, si pâle, de Ludivine.

Elle portait maintenant chignon, sous le modeste chapeau qu’elle ne mettait que le dimanche. Mais elle avait toujours sa frange d’apache sur les yeux, ses yeux incolores dans des cils noirs, ses yeux près desquels les prunelles grises et bleues du garçon avaient l’air foncées comme la mer les jours d’orage.

Avec quantité d’autres curieux, ils s’installèrent, en haut, sur le talus qui surplombe la fin de la montée, à l’ombre de magnifiques arbres. La baie, de là, se découvre, derrière la silhouette du calvaire, espace de ciel, espace d’eau que sépare, à l’horizon, la côte nuancée du Havre.

La foule babillait avec un bruit de ruisseau. Assis à côté de Ludivine parmi des ronds de soleil, Delphin, tout surexcité, se mit à parler, lui qui, d’ordinaire, restait plutôt silencieux.