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L’assurance du mousse faisait ouvrir de grands yeux aux deux gamins. Et, quand il eût demandé qu’on lui nettoyât la bouteille, ils la prirent, encore mouillée, dans leurs mains, et la contemplèrent d’un air superstitieux.

— Allons !… dit Bucaille en se levant. La marée nous attendra point, tu sais ben ! Es-tu paré ?

Et quand ils furent sortis, allant à la mer, Armand et Maurice passèrent le reste de leur dimanche à se creuser la tête autour de la bouteille à huile.

Désormais, chaque fois que le mousse se trouvait au logis entre les pêches :

— Vas-tu bientôt commencer ton bateau ?…

Un soir, il revint avec des bouts de bois trouvés on ne sait où.

— V’là pour faire la barque !… annonça-t-il.

Et, sitôt après le diner, il sortit son couteau de sa poche.

Avides, les petits s’étaient assis, autour de la table, l’un à sa droite, l’autre à sa gauche. Bucaille, naturellement, était reparti dès la dernière bouchée. Quand Ludivine et sa mère eurent terminé leur travail, elles vinrent aussi regarder, presque aussi curieuses que les enfants.

Delphin tailladait, adroit, très occupé.

— J’dessine la coque !… expliqua-t-il.

— Et les voiles !… demanda tout de suite le plus petit.

— Ah ! mais !… Faut pas être si pressé !

— Queu genre de bateau qu’tu prétends faire ?… interrogea Ludivine avec un certain dédain.

— Est un crevettier, si tu veux l’savoir.

— Ah ! ah ! fit la mère Bucaille, quatre voiles, alors.

Delphin, tout en s’activant :

— Dis un peu leurs noms, Maurice !

Ben… balbutia l’enfant, y a la grand’voile, et pis la flèche, et pis la triquette…