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— La trinquette, corrigea Delphin.

— Est qu’il est savant !… admira la femme Bucaille,

— Et après la trinquette ?… continua Delphin.

— Ben… y a… y a… J’sais pas !

Le mousse, scandalisé :

— T’es pas honteux ? Un fi d’pêqueux !… Et d’abord, queu genre de voiles qu’on a par chez nous ?… Tu sais point ?… Pisqu’on n’en est encore qu’à la coque : qui qu’ça est qu’l’écubier ?… Qui qu’ça est qu’l’étambot ?… Où qu’tu places les œuvres vives ? Et les œuvres mortes ?… Non ?… Tu n’sais rien ?… Et l’safran, où qu’il est ?… Et l’tableau ?… Et l’étrave ?… Et les lisses ?… Et l’gaillard ?…

La mère hochait la tête, geste de cane. Ludivine, moqueuse :

— Tu nous éluges, avec tes berdi berdâ !… Et d’abord, faut s’coucher !… Tu nous prêcheras tout ça un aut’jour.

Les deux gamins, désolés de l’interruption, pleurèrent. Ils ne consentirent à gagner leur lit qu’après des gifles. Le bateau commencé resta sur le buffet, à côté de la bouteille magique. Il fallait attendre d’autres instants de loisir.


✽ ✽

Après avoir travaillé son crevettier qui commençait à prendre forme, un soir, au moment du coucher :

— J’ai pensé eune chose… dit Delphin. On n’devrait pas laisser finir le mois sans aller boire le lait de mai. Y a pas d’marée demain avant la soirante, si y on allait tous les quatre ? Par exemple, faudra s’lever de bonne heure !

Ludivine allait dire non. Mais sa mère ayant bougonné que c’étaient des idées envolées, la petite, par esprit de contradiction, décida que rien ne la tentait plus que cette partie.

Le lendemain, le jour n’est pas encore levé que les quatre sortent de la maison.