Page:Delarue Mardrus - L’Ex-voto, 1927.djvu/169

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
159

Comme elle ne répondait rien, il se dépêcha, tourné vers les parents ébahis :

— Mademoiselle votre fille était au baptême de Bon-Bec, et…

— Oh ! les dragées étaient bonnes !… s’exclamèrent les deux petits, subitement réveillés.

Lauderin se mit à rire un peu trop fort.

— Vous en aurez de meilleures au baptême de la Ludivine… si votre sœur veut !

— Ça !… m’sieu Lauderin… commencèrent ensemble le père et la mère, qui n’en revenaient pas.

La grêlée murmura :

— Est trop d’honneur pour nous, m’sieu Lauderin !

— Mais pourquoi donc, madame Bucaille ?… L’honneur sera pour moi !… si votre fille veut bien accepter !

Il s’écoutait parler. Mais son cœur devait battre fort, car sa voix tremblait. Officiellement, il s’abaissait, chez ces gens de rien, à supplier cette fille de glace qui ne daignait même pas lui répondre, malgré les signes affolés que lui faisait sa mère.

Un silence encore. Il fut long et douloureux.

— Mademoiselle réfléchira !… dit tout à coup Lauderin en se levant.

La visite était terminée. Tout le monde, en même temps que lui, fut debout.

Sur le seuil, la femme Bucaille se confondit en remercîments. L’attitude de sa fille lui mettait une petite sueur aux tempes. Les deux garçons, sans trop savoir pourquoi, battaient des mains. Mais Bucaille, titubant, ne pouvait plus articuler que des syllabes informes.

— Au revoir, père Bucaille !… Au revoir, madame !… Au revoir, mes enfants !… Au revoir, mademoiselle !…

Ludivine retira vite sa main, d’un geste dégoûté. La porte s’était refermée. La scène formidable qui couvait depuis trois quarts d’heure allait éclater. Delphin disparu ne revenait pas.