Page:Delarue Mardrus - L’Ex-voto, 1927.djvu/184

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
174

frottait aussi quelque ustensile dans un coin, s’arrêta pour essuyer furtivement ses yeux.

Quand Delphin sortit de la chambre, portant son petit ballot :

— Tu vas pas t’en aller ?… crièrent les deux petits en s’accrochant à lui.

— Mais si !… dit-il en essayant un misérable sourire.

Puis, pour leur épargner l’horreur de cet instant déchiré :

— Je r’viendrai bientôt !… fit-il câlinement.

— Mais il fut obligé de se mordre la lèvre jusqu’au sang en disant cela.

Il se pencha sur eux pour les embrasser.

— Au revoir, Maurice… au revoir, Armand !

— Et ton ex-voto ?… demandèrent-ils, naïfs, en se mettant à pleurer.

— Oh ! c’est vrai !… s’écria-t-il. J’allais l’oublier !

Pour aller reprendre sur le buffet sa bouteille, sa petite barque exiguë et tout le mignon fourniment, il passa près de Ludivine qui ne le regardait pas, s’arrêta devant elle une seconde et murmura :

— Y avait queuque chose qui m’disait que j’le finirais point !

Et cette simple phrase-là fut, pour la petite Bucaille, plus horrible que tout le reste.

Delphin vit bien qu’elle refusait de lui donner ses yeux. Alors il alla vers le pêcheur.

— Adieu, m’sieu Bucaille.

L’autre voulut dire quelque chose, et ne put. Il ouvrit ses grands bras, serra contre lui le mousse, et le court sanglot qu’il fit entendre valait toutes les paroles.

— Adieu, mâme Bucaille !

Elle se mit à l’embrasser, elle, avec une frénésie sans contrôle. On eût dit qu’elle ne s’arracherait jamais de lui. Les pleurs qu’elle versait abondamment mouillaient les joues, le cou, la vareuse du petit marin. Gêné par son bagage, son bateau, sa bouteille, il ne