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savait comment faire pour échapper à ces étreintes qui lui faisaient mal.

Pressé de parler d’autre chose, il répétait, refoulant ses larmes, tandis qu’elle le bousculait :

— J’ai gardé ma gagne du vapeur anglais… Vous m’excuserez, mâme Bucaille… Mais j’peux pas partir sans argent.

Enfin, quand la mère l’eût lâché :

— Adieu, Ludivine…

Elle consentit à laisser sa bassine de cuivre. Mais sans même essuyer ses doigts à son tablier, tenant ses mains écartées et hautes, elle tendit sa joue comme négligemment.

— Eh ben !… Adieu, Delphin !…

Ses lèvres se retroussèrent, ses yeux fulgurèrent d’ironie :

— Tu r’viendras pour la noce, pas ?…

Le cou dans les épaules, retenant un rugissement, il fonça sur la porte.

— Delphin !… Delphin !…

Il ne se retourna pas vers les petits, qui trépignaient de chagrin derrière lui. Le premier coup de sirène du bateau s’entendait au loin. Ce fut en courant qu’il prit la rue, s’engouffra dans l’impasse, disparut, sous le regard ruisselant de toute la famille réunie sur le seuil, moins Ludivine, pourtant.


✽ ✽

La grêlée s’était bassiné les yeux à l’eau bouillante et s’efforçait de ne plus pleurer. M. Lauderin allait arriver d’une minute à l’autre.

La maison était prête, les gens aussi. Le père Bucaille avait sa belle vareuse, les petits étaient endimanchés, et Ludivine, après s’être, dans la chambre, savonnée, recoiffée, réapparaissait en chemisette blanche (la seule qu’elle possédât), et si visiblement coquette que les parents en eurent un soupir de soulagement. Ils avaient craint