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quelque inconvenance de la part de la dangereuse et fantasque fille se demandant jusqu’à la dernière minute si le fiancé de contes de fées serait reçu par une petite souillon nettoyeuse de cuivres.

« S’il allait ne pas venir, maintenant !… » pensaient-ils sans oser le dire.

Il vint.

Ludivine l’avait humilié, le père de Ludivine avait failli le frapper. Il était de ces noceurs que les empêchements attirent. Le coup de passion qu’il avait pour la petite Bucaïlle, première affaire sérieuse de sa vie, s’exaspérait de toutes les défenses qui se hérissaient autour de la tentante et dangereuse fillette. Et, plus que tout autre obstacle, il craignait Delphin, dont ses informateurs lui avaient beaucoup parlé.

En demandant Ludivine en mariage, il n’était pas du tout sûr d’être agréé par elle, petite bête sauvage dont il avait déjà senti les griffes. Mais, puisqu’il n’y pouvait plus tenir, c’était le dernier moyen de l’approcher ; et jusqu’ici, le tour était joué de main de maître.

Si les fiançailles étaient acceptées par l’effrontée jeune fille, il comptait reculer le mariage sous prétexte de trop de jeunesse. Il est facile, quand on se trouve dans la place, de transformer une fiancée en maîtresse. M. Lauderin, avec sa fortune et sa suffisance, ne se voyait vraiment pas alliant son nom à celui d’une pauvre fille de pêcheurs. Il avait fait ses confidences à son frère et à sa belle-sœur, qui se moquaient de sa toquade, et qui, bien inquiets, avaient tout fait pour le détourner de ses audacieuses entreprises. Ces Parisiens, en villégiature chez lui, très orgueilleux de leur magasin de nouveautés aux Ternes, espéraient le marier dans leur monde, à moins qu’il ne restât garçon, ce qui valait mieux encore, vu l’héritage possible, un jour.

En pénétrant, plein d’anxiété, dans le pauvre logis de ses amours, il vit dès le premier coup d’œil que sa fallacieuse demande était