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acceptée. L’accueil des visages, l’endimanchement général le lui disaient assez.

— Et alors ?… fit-il sans dire bonjour, et sur le ton, déjà, de la vanité satisfaite et condescendante.

Les parents, s’étaient, avec terreur, demandé quelle serait la manière d’être adoptée par Ludivine. Celle-ci, levée la première, courut au-devant de son fiancé. L’enveloppant d’un regard qui le fit tout de suite pâlir :

— C’est oui !… dit-elle, bien entendu !

« Elle est à moi !… » pensa-t-il.

Sa main gauche se tendait, molle et dédaigneuse, vers les poignées de mains empressées. Il s’assit avant tous, plein d’un sans-gêne de maître. Et Ludivine, avisée Normande, ne perdait pas une nuance de cette attitude. « À nous deux, maintenant ! » disait sa révolte intérieure. Et nul, en la voyant si provocante et si gaie, ne se fût douté de l’espèce de désespoir âpre qui regardait derrière ses yeux phosphorescents.

— Voilà !… dit Lauderin sur le ton du commandement. Nous attendons un an encore. Quel âge a ma petite promise ? Dix-sept ans, m’a-t-on dit. Il faut bien qu’elle en ait au moins dix-huit pour devenir Mme Lauderin !

Des petits rires intimidés, du côté des parents, l’approuvèrent.

— J’ai commandé une nouvelle barque, continua-t-il. Nous la baptiserons quand elle sera construite. Ce sera la Belle-Ludivine. Mais nous ne la sortirons que le jour du mariage, avec un bouquet blanc à son mât. C’est une idée de moi. Jolie idée, n’est-ce pas, Ludivine.

Elle tressaillit à cette familiarité trop rapide. Les gens de chez nous ne sont guère tutoyeurs de leur nature. Mais, jouant serré son ironique jeu :

— Comment qu’il est, vot’p’tit nom, à vous ?… demanda-t-elle effrontément.