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Les choses allaient vite. Il n’aurait pas, pour la dresser, toutes les peines qu’il avait prévues.

— Je m’appelle Pierre, répondit-il. Mais il faudra m’appeler Pierrot.

— Croyez-vous qu’j’attendrai dix ans ?… riposta-t-elle, Allons, Pierrot ! Un p’tit coup d’bère pour fêter nos fiançailles !

Elle avait fait signe à sa mère. Le cidre bouché, rapporté dans l’après-midi, fut sur la table avec les verres. Et bientôt une gaîté crispée, pleine encore d’embarras et d’étonnements, remplaça, dans la cuisine de tous les jours, tant de larmes versées, quelques heures plus tôt, au moment du départ de Delphin.

— À propos ?… dit négligemment Lauderin en goûtant la mousse de son deuxième verre, qu’est-ce qu’est donc devenu ce petit jeune homme que vous avez adopté, m’a-t-on dit ?

— Il est parti travailler à son compte au Havre ! se dépêcha de déclarer la mère Bucaille. Il est grand, à présent, il n’a plus besoin d’nous…

— Ah ! oui !… faisait l’autre, observé par Ludivine.

Et l’animation générale, un peu forcée, qui suivit, empêcha de remarquer que le petit Maurice, dans un coin, s’était mis à pleurer tout bas.

Le jour commençait à baisser un peu. La conversation, petit à petit, languissait.

— Je vais vous laisser dîner… dit enfin Lauderin, en allumant une cigarette.

Il frappa sur l’épaule du père Bucaille, comme on ferait à un bon gros chien.

— Eh ! ben !… mon vieux !… On va pouvoir revenir au Grand Café Maritime, hein ?…

— Oui, m’sieu Lauderin… répondit le pêcheur avec un pauvre regard subalterne.

Le petit rire de Ludivine, prélude ordinaire de ses insolences, se fit entendre.