une marionnette. Les cris d’horreur des trois enfants, le tumulte des meubles bousculés par les bonds des deux garçons qui cherchaient à se sauver, par l’élan de la fille vers sa mère, tout cela servit le marin ivre, qui put sortir et disparaître sans encombre.
Relevée, assise, tamponnée par Ludivine, la grêlée rouvrit les yeux. Une formidable ecchymose sur la pommette, tout à côté de l’œil, enflait déjà, pareille à une prune bleue.
Le mouchoir à la joue, tremblante, elle regardait devant elle. Les trois enfants ne disaient rien. Ils n’avaient pas un mouvement vers leur mère massacrée, pas un baiser pour la réconforter.
Elle n’eut même pas l’air de le remarquer. Avec la faconde populaire qui console le pauvre monde, elle se mit à parler tout en pleurant. Elle racontait sa misère. Elle parlait peut-être pour ses enfants, mais plutôt pour elle-même. Et c’était une vieille histoire que les petits connaissaient si bien qu’ils n’avaient même pas envie de l’écouter.
Au bout d’un moment elle se leva, par vague instinct de reprendre son travail, n’étant pas d’une caste dorlotée.
— Tiens ! dit-elle à sa fille à travers ses sanglots, ouvre donc le buffet et sors la tourte de pain. J’vous f’rai pas d’soupe aujourd’hui ; mais tu trouveras du fromage sur la planche du bas ; et puis il y a un restant de…
Elle s’interrompit :
— Vous allez voir qu’y n’va pas rentrer pour souper ! Il est bien trop heureux d’l’occasion ! Y va aller manger et boire en ville comme un superbe !
Et ses propos continuèrent, tandis qu’elle disposait les assiettes sur la table, en pleurant dedans.
Tout à coup ce fut au petit Maurice qu’elle s’en prit. Elle n’avait pas su s’attendrir sur elle-même ; elle ne sut pas non plus ne pas retrouver le rythme de son éternelle colère maternelle.
— Tu vois, toi ?… Si t'y allais quand j’te l’dis, à l’école, vilain