Page:Delarue Mardrus - L’Ex-voto, 1927.djvu/69

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
59

Même pour qui passa sa vie entre des planches, quelle étroite barque qu’un cercueil !

À demi évanouie, la femme Le Herpe, suivie par son Delphin qui claquait des dents, fut entraînée sous le porche de sortie, pour y recevoir, selon l’usage, les salutations.

Les poignées de mains, les hochements de tête, les regards angoissés, les bonnes paroles, c’est cela, oui, c’est cela qu’il faut pour soutenir, pour aider un pauvre cœur humain qui n’en peut plus.

Vous êtes tous venus pour l’entourer, pour la consoler, pour l’affectionner, surtout ne la quittez pas ! Restez auprès d’elle ! Qu’elle vous sente là tous, devant l’abîme qui vient de s’ouvrir.

La petite foule s’écoulait. À deux pas, les réflexions s’échangeaient, puis devenaient insensiblement des conversations. La vie reprenait, malgré elle, férocement. Déjà délaissés, la veuve et l’orphelin allaient tout à l’heure rester complètement seuls.

Les marins couraient à leurs bateaux, ou bien au débit ; les femmes pensaient à la soupe, la marmaille pensait à jouer.

La femme Le Herpe, comme un peu ivre, tendait encore la main aux derniers retardataires. Rien ne pouvait, sous le lourd crêpe noir, être plus souffrant que son visage de désespoir, tiré par la maternité ; rien ne pouvait être plus mortellement pâle que la petite figure de Delphin à son côté.

Une autre petite figure surgit, encore plus mortellement pâle. C’est celle de Ludivine Bucaille en chapeau, correcte, venue avec son père à l’enterrement des naufragés.

Monotone, la main de la femme Le Herpe s’est tendue, puis celle, toute gauche, du mousse Delphin, assez embarrassé de voir là cette fillette défendue, avec laquelle il a clandestinement conversé l’autre soir.

Bucaille est passé ; Ludivine est passée…

Non ! Elle revient d’une enjambée hardie.