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De par le spectacle insoutenable auquel elle vient d’assister, la sombre exaltation de la mort est dans sa poitrine. Elle a saisi Delphin par le cou. Ses yeux trop clairs, audacieusement, le dévorent. Avant qu’il ait compris, la fillette l’a embrassé sur les deux joues, étreinte si sincère et si chaude que, saisie, remuée, Mme Le Herpe (dont le cœur de femme du peuple a compris) ne peut s’empêcher de murmurer : « Merci !… »


✽ ✽

En rentrant chez elle, Ludivine, enfin, pleura. Cela dura pendant plus d’une heure. Sa mère stupéfaite et ses petits frères la regardaient. Le père était reparti pour la pêche.

Enfin la petite fille déchirée se releva, se secoua, jeta tout autour d’elle un regard mauvais et sortit sans dire où elle allait.

Quand elle revint le soir, elle trouva son père complètement ivre, et qui faisait une scène épouvantable à sa femme, parce qu’elle lui réclamait l’argent disparu de la pêche.


✽ ✽

Cette petite fille qui rôde comme une chienne dans le cimetière, autour des deux fosses non encore comblées, recouvertes seulement de planches, avec leurs couronnes de perles et leurs fleurs fraîches accumulées dessus, qu’est-ce qu’elle cherche ?

Le fossoyeur, de loin, l’examine depuis un moment, et la reconnaît :

— Est la fille à La Goutte, châ ! Qui qu’elle vient faire là ?

Il s’avance et, durement, interroge :

— Qui qu’tu veux ?

Ludivine ne craint personne. Dérangée dans ses songes par celui-là qui la brutalise, elle a tôt fait de répondre :