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Page:Delatour - Adam Smith sa vie, ses travaux, ses doctrines.djvu/158

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assez spécieux, n’est pas plus fondé que le reproche tiré de la morale, car le défaut qu’il constate n’est malheureusement pas spécial à la séparation des tâches. En effet, si, dans le cas d’une crise locale, l’ouvrier d’une manufacture de tissus, par exemple, devient un producteur inutile, n’en sera-t-il pas de même, à plus forte raison, du tisserand en chambre, et ce dernier ne se trouvera-t-il pas dans une situation plus désastreuse que l’ouvrier de l’usine, puisque, ne pouvant écouler sa production, il lui sera impossible de payer même le prix de la matière première qu’il aura employée. De plus, l’ouvrier de l’usine n’est congédié qu’à la dernière extrémité ; il est soutenu, au début de la crise, par les capitaux de son patron qui cherche à lutter contre un arrêt de la production qui causerait sa ruine, tandis que le tisserand en chambre, s’il ne peut disposer de quelques ressources, succombera le premier. Enfin, lorsque tous deux seront sans travail, le tisserand ne pourra pas changer d’emploi aussi vite que l’ouvrier de manufacture et il se résignera avec peine à abandonner un capital fixe devenu inutile ; l’ouvrier, au contraire, habitué à la vie de l’usine trouvera plus facilement à se placer dans une manufacture d’un autre genre où la séparation des tâches permettra de lui confier un travail simple dans lequel il acquerra rapidement, à cause de cette simplicité même, la dextérité qu’il possédait dans son ancien métier.

Aussi, pour tous ces motifs, on pourrait, il nous semble, conclure avec plus d’exactitude et sans être taxé d’exagération, que la division du travail a plutôt pour effet d’atténuer les crises à l’égard de l’ouvrier, et que là où les maîtres des anciennes corporations auraient succombé, l’industrie moderne, avec ses capitaux considérables, cherche à continuer la lutte, à prolonger la production jusqu’à des jours meilleurs.


On a encore attaqué la division du travail à un autre point de vue. Le Dr Smith avait signalé les heureux effets de la séparation des tâches sur l’invention et les perfectionnements des machines, et il ne croyait certes pas devoir être contredit lorsqu’il vantait les avantages des procédés mécaniques. Néanmoins, la substitution graduelle des machines au travail manuel, substitution qui s’est de plus en plus généralisée à notre époque, ne