Aller au contenu

Page:Delatour - Adam Smith sa vie, ses travaux, ses doctrines.djvu/163

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

« Le travail, a dit en effet V. Cousin[1], étant le développement de la force qui constitue l’homme, et cette force étant essentiellement libre, la loi essentielle du travail est à nos yeux la liberté. La liberté est le fondement de tout droit ; rien ne vaut contre elle. Le droit permanent et inviolable de la liberté est de se développer comme il lui plaît, pourvu que, dans ses développements, elle ne porte point atteinte aux autres libertés. Loin que la société ait le droit de mettre des entraves au travail et à la production, elle n’a le droit de s’en mêler que pour veiller à ce qu’il n’y soit apporté aucune entrave, comme le magistrat ne peut se mêler de ce qui se passe dans la rue que pour assurer l’ordre, la liberté de tous. Il y a deux espèces d’ordre, l’un vrai et l’autre faux ; l’un naturel et l’autre artificiel. L’ordre naturel est la loi d’une chose conforme à sa nature. L’ordre artificiel est un système de lois imposées à un être contre sa nature. L’ordre naturel de la société humaine consiste à y faire régner la loi qui convient à la nature des êtres dont cette société est formée. Ces êtres étant libres, leur loi la plus immédiate est le maintien de leur liberté. C’est là ce qu’on appelle la justice. Il y a dans le cœur de l’homme, il peut donc et il doit intervenir dans la société d’autres lois encore, mais nulle qui soit contraire à celle-là. L’État est avant tout la justice organisée, et sa fonction première, son devoir le plus étroit est d’assurer la liberté. Et quelle liberté y a-t-il dans une société où n’est pas la liberté du travail, lorsque les conditions mises à la production, au lieu de l’assurer, l’empêchent ? Rien de mieux que la surveillance en certains cas, car elle est au profit de la liberté générale ; mais, sous le manteau d’une surveillance légitime, favoriser celui-ci, entraver celui-là, organiser des monopoles, instituer des corporations, voilà qui excède les droits de la société. »

Ce sont là des idées que nous eussions voulu trouver sous la plume du Dr Smith et qui eussent rehaussé la portée de son œuvre. Il existe, en effet, un lien étroit entre les suggestions de l’intérêt et les prescriptions de la loi morale, et il est bon, dans un ouvrage d’économie politique, de constater cet accord. Telle était, d’ailleurs, la grande vérité qui, dans l’esprit du maître, de-

  1. Philosophie écossaise, p. 222.