cantiles jusque-là incontestées, et les ministres du roi, poussés par l’opinion et sacrifiant à la mode, parlaient économie politique. C’est qu’il y avait déjà sept ans que le Tableau économique et les Maximes de Quesnay avaient été publiés, et ces ouvrages, qui renversaient de fond en comble les systèmes établis, avaient eu un immense retentissement dans cette société du XVIIIe siècle qui voulait tout réformer. Cette science nouvelle avait apparu au moment le plus opportun : « Vers 1750, dit Voltaire[1], la nation, rassasiée de vers, de tragédies, de comédies, de romans, d’opéras, d’histoires romanesques, de réflexions morales plus romanesques encore, se mit à raisonner sur les blés. » il fut alors de bon ton de s’occuper d’économie politique et on s’engoua d’autant plus facilement de ces études que, tendant à améliorer la situation matérielle du plus grand nombre, elles étaient conformes à l’esprit du siècle dont la grande gloire est son amour fervent et désintéressé de l’humanité. Paris offrit alors un admirable spectacle : économistes, philosophes, gens du monde et femmes d’esprit, tous travaillaient, les uns à l’émancipation politique, d’autres à l’émancipation religieuse, d’autres enfin à l’émancipation industrielle et commerciale, et tous étaient animés du même souffle, le souffle de la liberté, tous étaient dirigés par le même mobile, l’amour du bien public.
La Cour elle-même favorisait le mouvement économique. Alors qu’elle poursuivait de toutes ses rigueurs les autres philosophes, elle protégeait ouvertement ceux qu’on devait appeler plus tard les physiocrates. Le roi avait anobli Quesnay, qu’il appelait le Penseur ; il avait tenu à contribuer de ses propres mains à la composition typographique du Tableau économique, et Mme de Pompadour ne dédaignait pas de descendre parfois dans le petit entresol qu’habitait le docteur pour s’asseoir à la table qui réunissait les partisans de la doctrine nouvelle. Elle ne se rendait pas compte qu’en favorisant ainsi le mouvement économique, elle faisait courir de véritables périls à la royauté, et que l’étude des finances de l’État, en mettant à jour l’arbitraire, le désordre et la corruption qui régnaient dans l’assiette