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teur, ce dernier profita, dans une plus large mesure encore, des études philosophiques, des observations délicates de l’auteur de la Théorie des sentiments moraux, et son esprit, préparé par la noblesse de ses sentiments aux principes supérieurs de l’école écossaise, s’inspira puissamment de la doctrine élevée du philosophe de Glasgow.

D’ailleurs, depuis quelque temps déjà, Turgot paraissait tout acquis à cette école, et les entretiens de Smith, en la lui faisant mieux connaître, l’y rattachèrent seulement davantage. Il n’avait pas été sans lire, avant d’avoir rencontré Adam Smith, le grand traité d’Hutcheson, et, presque à son apparition, la Théorie des sentiments moraux, car, dès 1760, un journal français en avait publié un extrait, et, en 1764, deux ans avant l’arrivée du philosophe écossais à Paris, l’ouvrage entier avait été traduit chez nous, nous l’avons dit, sous le titre de Métaphysique de l’âme. Aussi les travaux philosophiques de Turgot n’avaient pas été sans se ressentir de cette heureuse influence. « Selon nous, dit Victor Cousin[1], Turgot est, après Montesquieu, le plus grand, esprit du XVIIIe siècle ; mais il serait, en vérité, un homme un peu trop extraordinaire si, ne tenant en rien à la tradition du XVIIe siècle, il se fût élevé à une métaphysique bien supérieure à celle de Condillac et à une morale toute différente de celle d’Helvétius, sans aucun autre appui que ses propres réflexions. Quand on lit sa lettre sur le livre de l’Esprit, l’article Existence, et quelques autres morceaux de philosophie sortis de sa plume, on est frappé du rapport qui se trouve entre ses principes et ceux de l’école écossaise. Dans l’article Existence, il n’hésite pas à fonder toute la métaphysique sur la psychologie, c’est-à-dire sur la conscience et sur ce fait primitif et permanent de la conscience, le sentiment du moi. En morale, il repousse l’égoïsme d’Helvétius au nom des sentiments naturels du cœur humain. »


Durant son séjour à Paris, le Dr Smith attacha encore à l’école écossaise un autre disciple distingué, dans la personne du duc de La Rochefoucauld, ce jeune libéral qui devint plus tard l’un des membres les plus influents de la fameuse société dite des

  1. Philosophie écossaise, p. 150.