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trouve à apprendre, même dans les sciences qui lui sont familières. — C’est la grande Histoire naturelle, alors en cours de publication, où Buffon traitait la partie raisonnée et philosophique et Daubenton l’anatomie. Il vante chez le premier l’éloquence et le style, et surtout le charme par lequel il maintient l’attention et vulgarise la science ; il admire chez le second la clarté, la précision, la rigueur scientifique, et déclare que « cette partie, quoique la moins pompeuse, est de beaucoup la plus importante ». — C’est aussi, dans le même ordre de sciences, l’ouvrage de Réaumur, où, sous le titre de Mémoires pour servir à l’Histoire des Insectes, l’auteur a exposé le résultat de ses études sur les mœurs, sur l’industrie de ces petits animaux, et « trouvé le temps de composer sur ce sujet huit volumes in-4o de ses propres observations, sans avoir recours, même une seule fois, au vain remplissage de l’érudition et à l’étalage des citations. »

C’est enfin, en ce qui concerne la philosophie naturelle, le fameux discours de J.-J. Rousseau Sur l’origine et les fondements de l’inégalité parmi les hommes. Adam Smith le rapproche de l’ouvrage du Dr Mandeville ; « mais les principes de l’auteur anglais, dit-il, y sont adoucis, perfectionnés, embellis, et entièrement dépouillés de cette tendance à la corruption et à la licence qui les défigure dans l’ouvrage original et qui les y couvre de disgrâce. »

Toutefois, il réserve son jugement sur le philosophe genevois, car il paraît surpris par les idées et les paradoxes qui abondent dans ce travail, et on sent qu’il préfère l’étudier encore avant de se prononcer. Le futur auteur de la Théorie des sentiments moraux réprouve assurément ici les doctrines qu’il condamne dans la Fable des Abeilles, mais l’élévation et l’austérité du style les ayant transformées chez Rousseau, Adam Smith semble se recueillir, attendant, pour émettre un jugement définitif sur l’écrivain, qu’il connaisse mieux par d’autres productions, la nature de son esprit et l’ensemble de son système. Il se contente donc de faire connaître le plan de l’ouvrage aux lecteurs de la Revue d’Édimbourg, et d’en citer quelques passages ; mais il critique peu, ne discute guère, et voici quelle est sa conclusion : « La vie d’un sauvage, dit-il, lorsqu’on l’envisage à une certaine distance, s’offre à nous comme une vie indolente ou